dimanche 9 janvier 2011

Le détournement d’objet

Sans titre, 1980.




Brosses, disques, perles, faucille, paillasson, ardoise, caoutchouc, chaussures, bocal, métal, carton, disques, râteaux et j’en passe. Le travail de Daniel Tremblay se base sur le détournement d’objets et de matières ; des objets de notre quotidien, de travail ou de loisir, tous des objets manufacturés neufs, car Daniel Tremblay ne joue pas dans la récupération. L’humour est encré dans ce travail grâce à ces objets qui, en n’étant, pour la plupart, pas modifiés mais simplement sortis de leur contexte, nous font sourire et rêver à la fois. La faucille devient lune, le paillasson devient ciel ou visage, les perles forment des étoiles, les silhouettes « pissent » ces étoiles… L’objet banal n’ayant pour habitude qu’un usage ennuyeux, renaît sous une autre identité, revit.


« Il manipule un objet banal pour lui faire vivre une grande aventure, celle de la résurection, par une dualité dans l’utilisation des matériaux. […] Jeu entre l’éphémère et l’éternel. La faucille devient lune, la lune Vénus, l’éternel féminin. »

Daniel Tremblay joue avec l’apparence. L’apparence des objets qu’il utilise pour ses créations et qui est mise en doute par l’utilisation de ces objets. Comme le poète Francis Ponge, il s’intéresse à des objets simples et nous emmène les découvrir à travers un point de vue unique et décalé. L’artiste fait travailler notre inconscient car en utilisant ces objets et ces formes simples et linéaires, il amène notre pensée à créer son propre point de vue. Nous développons alors cet aspect et ce rapport différent que l’on a avec l’objet en question. De plus, l’artiste intègre dans certaines de ses œuvres des jeux d’optique qui demandent à l’œil du spectateur une certaine gymnastique.
C’est pour la même raison que beaucoup d’œuvres n’ont pas de titres afin de laisser libre cours à l’imagination du spectateur et ne pas fermer de portes créatives dans son esprit. Quelques œuvres sont nommées mais ce titre reste vague et imprécis pour ne pas gâcher le travail conscient et inconscient du spectateur comme « jaune et noir », ou bien « the last wave ». Daniel Tremblay, lorsqu’il décide d’apposer ces titres à ses œuvres nous offre alors une piste d’imaginaire pour nous guider vers une pensée, celle qu’il voulait qu’on emprunte.
En détournant les objets du quotidien dans des œuvres, et surtout en détournant leurs fonctions initiales et en leur en attribuant une autre, plus poétique, Daniel Tremblay donne une âme à ces objets, les magnifie, et les fixe ainsi dans l’éternité.

«J'aime pas les choses définitives mais il y a quand même quelque chose de l'éternité qui me plaît beaucoup. Je ne sais pas pourquoi mais…»
Daniel Tremblay 


Ces objets, d’autant plus, ne sont pas choisis non plus par hasard. Par exemple, le râteau de La Sieste éternelle : Il me fait penser au râteau que l’on retrouve dans les jardins japonais miniatures qui ont pour but d’apaiser les gens par le mouvement répétitif et doux du râteau sur le sable fin. La poésie de Daniel Tremblay n’est jamais brutale. Dans l’œuvre de Tremblay, le râteau ratisse les étoiles autour du dormeur. On en retire une sensation de calme, de sérénité. L’artiste s’est peut être inspiré de la philosophie orientale zen. De même pour le croissant de lune, il a une symbolique forte de sérénité, de calme mais aussi de curiosité. Le corbeau depuis toujours est entouré d’une aura mystérieuse. « L’idée de paillassons que l’on piétine tous les jours et dont j’aimais la texture et l’épaisseur m’est venue bizarrement. Je trouvais que les punks ressemblaient un peu à des paillassons […] Les moquettes et les brosses sont venues simplement à la suite de ça. » (Daniel Tremblay)
C’est pour cela que chaque objet est choisi minutieusement car il a une histoire, une culture.


La sieste éternelle
1983, gazon synthétique, râteau, 200x300 cm.
Le fait d’intégrer des objets à ses tableaux amplifie le sentiment de vie de ceux-ci. Les tableaux deviennent des « tableaux bas-reliefs ». En effet, Daniel Tremblay ne se considère pas comme sculpteur à part entière mais comme « sculpteur de bas reliefs ». Il a choisit de ne pas rentrer dans la sculpture car son travail est la plupart du temps accroché au mur et qu’on y rentre par le visuel. Dans ses œuvres, « l’espace est purement visuel » dit-il.
L’utilisation des matériaux quant à eux, se fait par plaques brut. Il les assemble, les découpe, les fixe, les colle. Chaque matériau a ses propres caractéristiques et Daniel Tremblay s’amuse avec cela. Les poils, les tiges, les surfaces ont tous un caractère et une texture qui leur sont propres et qui ajoutent du sens aux œuvres de l’artiste. Ces matériaux et leurs combinaisons forment l’espace de la représentation et n’ont plus besoin de support. Ils deviennent supports eux-mêmes.


Sans titre (deux profils et deux corbeaux), 1982






« Une installation c’est un jeu où l’espace intervient comme un matériau avec des potentialités propres que j’essaie de trouver »
Daniel Tremblay

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