dimanche 9 janvier 2011

Etude de l'oeuvre The last Wave, 1984

The Last Wave, 1984.




En 1984, Daniel Tremblay expose au musée d’art contemporain de La Jolla de San Diego en Californie une œuvre gigantesque intitulée The Last Wave qui signifie La Dernière Vague lors de l’exposition « French Spirit today ».  Dans un des coins d’une grande pièce blanche percée de plusieurs baies vitrées donnant sur le Pacifique, il recouvrit les murs, le sol et le plafond, autour des fenêtres, de cartes postales représentant des surfeurs californiens sur l’eau. Elle mesurait 11m de long, 6,50 m de profondeur et 3m de hauteur. Devant cette encoignure, se trouvait un socle sur lequel était posée une tête endormie en polystyrène de 70cm de haut, également recouverte de cartes postales, mais cette fois ci représentant les côtes françaises, collées et vernies. Le haut du crâne quant à lui est dissimulé sous des cartes de poissons exotiques. Réalisée en ronde bosse, la tête reposait sur son côté gauche. Les traits du visage sont marqués par l’utilisation de cartes plus ou moins foncées afin de nuancer les zones d’ombres et de lumières. Les cartes n’étaient pas apposées brutes sur la matière mais découpées préalablement pour donner l’effet d’une vague aux contours arrondis ou pointus.
L’œuvre, en étant en surface, uniquement composée que de cartes postales de paysages côtiers possède une unité de couleur intéressante s’étirant dans un camaïeu de bleus et nous rappelant l’art de la mosaïque.

La première impression ressentie en découvrant l’œuvre est que les cartes postales collées aux murs, formant une immense vague, sont prêtes à engloutir la tête du dormeur qui nous fait face. Les formes données à la mise en scène toute entière évoquent le mouvement de cette vague immense qui aurait traversée les baies pour venir y échouer ou engloutir la tête du dormeur.
L’installation autours des baies vitrées nous laissant admirer le Pacifique a été choisie avec soin. En effet, la « flaque » formée par les cartes postales bleues semble émerger dans la pièce du sol au plafond. C’était comme si le Pacifique profitait de l’opportunité de ces baies vitrées pour envahir le musée. Les cartes postales seraient la représentation du ruissellement de l’eau sur les murs mais aussi du passage de l’eau après le retrait de la vague. "Quand je l'ai vu l'espace, j'ai su que je voulais faire entrer l'océan dans la pièce" racontais Daniel Tremblay lors de sa première visite au musée de la Jolla. L’utilisation du vernis sur les cartes postales nous rappelle le reflet du soleil sur l’eau. A première vue, la tête du dormeur, énorme par rapport aux surfeurs des cartes, me fait penser à l’histoire de Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver de 1721 : Les petits surfeurs seraient les lilliputiens et le dormeur, Gulliver se faisant attaqué durant son sommeil. Chacun, devant l’œuvre de Daniel Tremblay, peut imaginer son interprétation et créer son récit d’aventure. Dans tout son travail, l’artiste nous laisse le plaisir et la liberté d’interpréter ses œuvres, de nous les approprier et nous emmène sur des chemins pour que notre imagination continue et développe cet univers poétique qu’il a commencé de construire.


On reconnaît ici la signature de Daniel Tremblay dans l’utilisation d’objets communs qui sont ici les cartes postales. En découvrant la Californie, il a été fasciné et charmé par ses paysages, ses vagues tumultueuses et ses surfeurs et trouvait que la Californie était le paysage typique de carte postale. En les accumulant et les détournant de leur utilisation habituelle, il leur fait vivre une aventure, les sort de leur banalité et les magnifie dans l’expression de cette vague gigantesque. Son humour léger et envoutant est également présent : imaginez-vous devant cette vague de quelques mètres de haut, elle vous impressionne. Maintenant, imaginez ces centaines de petits surfeurs domptant cette vague colossale, elle vous fera sourire. La carte postale, objet utilisé pour donner des nouvelles de vacances habituellement, ici, nous fait rêver en mêlant intérieur et extérieur, fiction et réalité. Elle nous transporte au creux de cette vague et de l’univers de Daniel Tremblay afin de nous en dévoiler toute la poésie.

Malgré son succès, la durée de vie de « la dernière vague » n’a été que de quelques semaines. Œuvre éphémère, elle a été détruite et la tête est entrée dans la collection du musée des beaux arts d’Angers grâce à un don de la compagne de Daniel Tremblay en 2005.  

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